Critique de Champion de Mario Tessier | Incursion dans le côlon d’un colon
Dans son troisième spectacle, Champion, l’humoriste et boxeur amateur Mario Tessier raconte les aléas de son vieillissement, mais ses observations ne font pas toujours le poids.
Combien d’heures Mario Tessier consacre-t-il chaque semaine à la boxe ? S’il ne l’a pas répété mille fois, il ne l’a pas dit une fois : Mario Tessier consacre dix heures à la boxe chaque semaine, comme en témoigne régulièrement son compte Instagram. Et c’est ainsi qu’il est apparu mardi soir sur la scène de la salle Pierre-Mercure en se livrant à une petite démonstration de shadow-boxing, au son d’All of the Lights de Kanye West, drôle de choix compte tenu de ce qu’on sait du rappeur.
Intitulé Champion, ce troisième spectacle s’amorce sur une réflexion au sujet des différentes significations que peut revêtir le mot qui donne son titre à cette tournée. Le champion peut en effet être le hockeyeur qui marque un but au moment opportun, mais aussi, comme c’est le cas de l’humoriste, ce banlieusard qui s’achète un immense VUS sans s’assurer que le véhicule en question rentre bien dans son garage. À chacun ses épreuves existentielles.
Une anecdote à l’image du reste de cette soirée en forme de chronique des vicissitudes que traverse un homme de 54 ans. Il oscillera tout du long entre deux temporalités : celle, magnifiée, d’un passé où tout était donc plus simple, et l’autre, d’un présent qui lui renvoie sans cesse au visage qu’il vieillit.
Mario Tessier alterne aussi entre deux tons : celui d’un stand-up plutôt traditionnel et un autre plus burlesque, comme cette amusante description de Ti-Will et Gros Pat, ses deux amis niais mais volontaires qui le rassurent sur sa propre intelligence. Dès qu’il renoue avec son fonds de commerce en incarnant pendant quelques instants un personnage, ou en faisant entendre une voix loufoque, le coanimateur de Ça rentre au poste à Énergie se distingue de la compétition.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
Mario Tessier sur la scène de la salle Pierre-Mercure, mardi soir
« Je ne veux pas généraliser, mais… » est a contrario une phrase qui augure rarement le meilleur, et que Mario Tessier prononce pourtant à quelques reprises en dégainant ses observations éculées sur cette génération (celle de ses enfants) de fainéants, bonne qu’à avaler du Ritalin. En s’adressant à la plus jeune spectatrice dans la salle, il opposera notre époque à celle, insouciante, des partys de famille enfumés des années 1970, une décennie dorée où la taloche faisait office de méthode pédagogique. On connaît la chanson…
La noble ambition d’être niaiseux
Les humoristes dans la trentaine parlent de leur vasectomie et leurs camarades dans la cinquantaine, eux, d’un autre type d’intervention : la colonoscopie. Une figure imposée qui permettait d’emblée de craindre le pire, mais durant laquelle Mario Tessier met à profit ses plus puissants outils en matière de comique physique et de burlesque.
En imitant Charles Tisseyre, il fera remarquer que « le côlon d’un colon, c’est fascinant », une ligne pleine de cette autodérision qui lui sourit presque à tout coup. Il s’agit sans conteste du moment fort – explosif au propre comme au figuré – du spectacle.
Le récit de sa visite au salon funéraire, où il devra choisir un cercueil pour sa mère, lui permet d’avancer sur le territoire plus original, et moins balisé, de l’humour noir, le temps de réfléchir à cette angoisse de la mort qui semble être le vrai sujet de Champion, même s’il n’y consacre que trop peu de minutes.
Mais le slam qui suit, annoncé comme une parodie, s’avérera malheureusement une réelle tentative de vrai de vrai slam autour du thème du bonheur, et sur fond de piano lacrymal.
Au-delà de ce choix formel qui confine au malaise, la rapidité avec laquelle il passe ici sur ce qu’il décrit comme la quête d’une vie a de quoi confondre : pourquoi alors ne pas y avoir dévolu davantage de temps, quitte à rogner un peu sur les blagues de personnes véganes ou de papa outré par le prix de l’équipement d’équitation qu’il doit payer pour sa progéniture ?
Aussi pimpant que sympathique, le vétéran arrive souvent à transcender la banalité de sa partition grâce à ce chaleureux charisme et cette engageante énergie qui lui ont permis, depuis le début des années 1990, de s’installer à demeure sur les ondes radiophoniques. Autrement dit : son talent brut d’éternelle grande gueule en fait beaucoup.
Mario Tessier promet d’emblée un spectacle « niaiseux », une ambition sur laquelle nous ne lèverons certainement pas le nez. Alors, comment expliquer qu’il s’entête à jouer les commentateurs d’une société à propos de laquelle il a peu de neuf à formuler, si ce n’est que de se désoler « qu’on ne peut plus rien dire », une phrase qu’il faudra bien un jour tabletter.
Sur la scène comme dans le ring, il importe de bien choisir sa catégorie.
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Champion
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