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Critique de Happy | Anthony Kavanagh, coach de vie

De retour à Brossard, où il est monté pour la première fois sur scène il y a 41 ans, l’humoriste Anthony Kavanagh a présenté jeudi le second spectacle de sa tournée québécoise Happy. Il y présente sa recette du bonheur, à la manière d’une conférence d’un coach de vie qui a tout compris.


Anthony Kavanagh sait ce qu’il fait. Il sait à quel public il s’adresse, il sait quels chemins emprunter pour le faire rire à tout coup. Il sait que le ridicule ne tue pas et que ses spectateurs aimeront se moquer de lui lorsqu’il se mettra dans une position grotesque.

Il sait aussi que les blagues racistes ou antisémites ne passent pas, mais que les gens face à lui sauteront sur la permission de rire de ces choses dont on ne rit pas dans la vie. Il sait qu’il en impressionnera plusieurs en dévoilant son talent de chanteur, il sait qu’il fait toujours mouche lorsqu’il met de l’avant son instinct d’imitateur, il sait qu’il n’a plus besoin d’être humble et que ses admirateurs l’acclameront après qu’il aura passé une heure et demie à se vanter tout en prenant le rôle d’un coach de vie un peu gourou sur les bords.

D’emblée lorsqu’il débarque sur scène, Kavanagh annonce qu’il faudra activer notre deuxième degré pour mieux recevoir son monologue. Des blagues racistes, sexistes, antisémites sont au menu, soyons prévenus. Il rira de nous et il rira de lui-même. Il ramènera plusieurs fois la directive du second degré, surtout après des blagues plus brutales, une récurrence comique astucieuse. « Rien n’est vrai et tout est drôle au second degré », assure-t-il.

Le spectacle prend racine sur le concept de la programmation neurolinguistique (PNL), outil de développement personnel consacré à étudier le comportement humain pour apporter des changements positifs à son mode de vie. Au programme du spectacle Happy : comment être heureux.

Mais d’abord, Anthony Kavanagh décide de nous mener sur la ligne du temps de sa propre vie, pour les plus jeunes (rares dans la salle) qui ne le connaissent pas. De sa naissance à son animation des NRJ Music Awards en France, il raconte les jalons de sa carrière, reconstitue des moments marquants à coup d’imitations, de bruitages et de sérénades. Il chante très bien, Anthony Kavanagh. Et puisque le moment est consacré au fait de vanter sa carrière, il ne s’empêche pas, au passage, de vanter son talent de chanteur. La foule adore. Le numéro nostalgique va vite, un peu trop parfois.

Il glissera bien plus tard dans le spectacle qu’il n’a plus la carrière qu’il avait – « Mais Antho, t’es plus une star », lui aurait lancé sa femme. On repensera alors à ce moment du spectacle où il chante ses propres louanges, en se disant qu’il fait bien, au fond, de prendre le temps de rappeler qu’il a déjà été une grande vedette.

Le prédicateur raciste

De retour dans son rôle de coach pour le reste du spectacle, l’humoriste amorce chaque segment en demandant au public de répéter les mots « Pour être heureux… ». Il complète ensuite chaque fois la phrase avec une astuce pour parvenir au bonheur. « Il faut être bien avec soi-même », « il faut se libérer des gens qui ne nous apportent pas de bien », « il faut commencer par s’aimer soi-même ».

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PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Anthony Kavanagh

Nous l’avons mentionné plus tôt, Anthony Kavanagh sait à qui il s’adresse. « Je ne suis pas raciste, j’aime Anthony Kavanagh », lance-t-il à un moment en imitant son public, avant de souligner que lorsqu’il aperçoit des personnes noires dans une rangée, il a l’impression qu’il s’agit « d’une carie dans la gueule de quelqu’un ».

Comme il l’a annoncé en début de spectacle, les blagues racistes ne manquent pas. Parfois amusantes, parfois trop faciles. Tout le monde y passe, pas de discrimination ici. Et le public s’esclaffe à tout coup.

« Moi, j’ai le droit », dit-il, après une tirade sur les Chinois. Il y va ensuite de son opinion sur les personnes trans et non binaires. Encore là, on tombe dans la facilité. Comme lorsqu’il compare les politiciens à des marionnettes ou qu’il affirme qu’au Québec, « on ne veut pas se chicaner ». Ou lorsqu’il parle de la dichotomie homme/femme. Rien que l’on n’a pas déjà entendu.

L’un de ses meilleurs atouts, mis à part les quelques imitations hilarantes, se dévoile lorsqu’il travaille le public, qu’il interpelle des spectateurs, souvent pour se moquer d’eux. Une spectatrice dans la première rangée en paie particulièrement le prix.

Un autre moment fort survient lorsqu’il raconte son passage, complètement halluciné, en première classe durant un vol. Il est hué de bon cœur lorsqu’il affirme que le Canada est la nouvelle possession américaine. Il fait s’esclaffer son public quand il explique pourquoi il faut « ne jamais se disputer avec les femmes ». Il s’attire des acclamations au moment de raconter avec une fausse humilité le fait qu’il a été la voix de Maui dans les films Moana ou du génie d’Aladdin.

Lorsqu’il se sert de ses dreadlocks pour faire des imitations, il joue plus que jamais avec l’idée que l’on peut tout dire et tout faire sur scène. Il devient Stevie Wonder, puis Ray Charles, puis d’autres, dont Hitler. Sa tresse en guise de petite moustache, il décide alors de lever le bras droit dans un salut nazi.

Dans cette cascade de conseils pour être heureux, on retient certaines astuces pertinentes, quelques moments où l’on rit de bonne foi et d’autres où l’on n’a pas vraiment envie de rire.



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Happy

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En tournée au Québec

6/10



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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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