Critique de Super normal, de David Beaucage | Des guitares, des blagues et des éclats de rire
C’était soir de première du premier one-man-show de David Beaucage, Super normal, mercredi, au Club Soda de Montréal. Le verdict ? Nous avons ri tout du long.
La première d’un tout premier spectacle est un jalon bien particulier, un moment déterminant, où la pression est grande et où les émotions sont fortes. Avec une proposition comme celle de David Beaucage, il faut être particulièrement en maîtrise de ses moyens, malgré la pression, malgré les émotions.
Pourquoi ? Parce que son rythme est décousu à souhait, parce qu’il passe si souvent du coq à l’âne que le timing devient plus essentiel que jamais, parce qu’il donne dans un genre absurde qu’il faut assumer pleinement, sans hésiter. À la fois très charismatique et capable de se donner l’air ridicule, il est tout à fait convaincant.
L’humoriste tout juste trentenaire était en plein contrôle pour ce grand moment. Celui qui nous fait rire à la télé, dans son balado, sur ses albums de musique humoristique, sur les réseaux sociaux et comme auteur pour d’autres artistes avait cette fois la scène tout à lui pour montrer de quoi il est capable lorsqu’il a une heure et demie de contenu à présenter.
Le résultat : beaucoup de sketchs sans liens aucuns, quelques monologues plus longs et toujours réussis, mais surtout, un grand nombre de numéros musicaux aussi divertissants qu’humoristiquement ingénieux.
Sa guitare électrique bleue à la main, David Beaucage débarque sur scène… en chanson. Il aborde pour commencer le fait que « c’est toujours weird les débuts de show ». Une bonne amorce. Il chante des blagues, comme il le fera souvent après. Il n’a pas inventé le spectacle de stand-up auquel se mêlent les prestations musicales, mais le genre lui va à merveille.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
L’humoriste David Beaucage sur la scène du Club Soda, mercredi soir
Comme un certain Pierre-Yves Roy-Desmarais (avec lequel il a travaillé comme auteur pour le spectacle Jokes chapeau maman magie piano), en version moins agitée, il allie l’absurde et la musique. Il fait de ses chansons, bien écrites, un outil comique, tout en vivant par la même occasion son rêve d’être une rock star.
Lorsqu’il pose son instrument, la première partie du spectacle est plutôt saccadée. Comme s’il ne faisait que dire à voix haute les pensées intrusives qui le traversent, il parle à son public de toutes sortes de choses et change de sujet subitement. Il se met ensuite à faire des personnages, quelques secondes à la fois : la mère de famille quand il y a de la vitre au sol (et des enfants autour), Daniel Lemire qui passe une commande au Dairy Queen et plusieurs autres qu’on ne dévoilera pas dans ce texte.
Et le temps de le dire, on repart sur une autre chanson. L’écran derrière lui s’anime, des photos de famille défilent, pendant que David Beaucage chante à propos du « group chat familial ».
On est martelés de one-liners, dans une forme décousue tout à fait voulue. « Vous l’aurez remarqué, ma force c’est les transitions », lâche-t-il alors qu’il passe d’une chanson sur Greta Thunberg à un numéro sur les restaurants Hooters. Malgré ce défaut avoué, l’humoriste a tissé son spectacle avec ingéniosité. Il choisit de n’avoir aucune transition efficace en première partie, comme il choisit pour la suite de construire quelque chose de mieux ficelé.
Un spectacle en crescendo
Si le début de spectacle laisse au public le sentiment de devoir courir après l’artiste pour garder son rythme et s’accrocher à ce qu’il propose, la suite installe une autre dynamique. Le monologue est de mieux en mieux construit, de plus en plus drôle.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
L’humoriste David Beaucage
Dès lors, sa narration devient accrocheuse et, d’une drôle de manière, plus continue. Les punchs ne manquent pas. Mieux, David Beaucage a cette façon de raconter qui rend chaque moment propice au rire.
Guitare acoustique à la main, il interprète sa propre version de la chanson de Diane Tell Si j’étais un homme, qui devient Si j’étais une femme, avec des paroles pertinentes qui décrivent les différentes douleurs féminines. Tous ne pourraient pas s’avancer sur ce terrain-là sans trébucher.
David Beaucage peut chanter avec un petit chapeau sur la tête ou faire des pas de danse à la manière d’une comédie musicale, mais il garde aussi dans sa manche des moments d’humour noir qu’on ne voit jamais venir et qui sont chaque fois bienvenus. Philippe Bond et Adolf Hitler y passent, entre autres. L’humoriste est de ceux qui maîtrisent les blagues glauques, contrairement à bien d’autres. Nous avons ri aux éclats chaque fois qu’il est allé « trop loin ».
Sa présentation sur le showbiz québécois, à la manière d’un TED Talk, PowerPoint à l’appui et petite télécommande à la main, est excellente. Comme toute la fin du spectacle.
Jouant avec le malaise, le ridicule, l’autodérision et la mince ligne entre ce qui se dit ou ce qui ne se dit pas, David Beaucage a monté un premier spectacle solo à la hauteur de cette carrière en humour qu’il bâtit depuis 10 ans maintenant. Tout à fait décalé, l’humoriste n’a rien de « super normal », et c’est ce qui lui réussit.
Consultez le site de l’humoriste

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En tournée au Québec
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